Les joyeuses aventures de Zilk | Chapitre II : Hazefu

– CHAPITRE II –

Hazefu

Le lendemain matin, Zilk précisa qu’il avait besoin de méditer pendant le trajet et que quiconque oserait l’importuner verrait son espérance de vie diminuer indubitablement, puis ils reprirent la route silencieusement pendant l’intégralité de la matinée. Enfin, après avoir escaladé une colline particulièrement pentue, ils arrivèrent en vue d’Hazefu la Sainte, superbe ville baignée dans un halo de lumière. Les remparts de la  cité s’érigeaient fièrement en contrebas et ceignaient Hazefu, impressionnante vue du haut. Le soleil venait illuminer la vallée et rendait éblouissante cette capitale, d’où émergeaient des lueurs d’une beauté incomparable et de doux sons de luth et de harpe.

Même Morgane, sous ses airs de baroudeuse farouche, fut profondément touchée par la paisible atmosphère qui se dégageait des murailles blanches brillantes de pureté. Pendant ce temps, le mage noir s’était mis à marcher à reculons, prétextant l’observation d’une race rare de pigeon dans son environnement naturel, pour ne pas avoir à contempler ce spectacle indigeste.

Ils arrivèrent aux pieds de la ville et virent deux gardes postés devant le mur de pierre où l’embrasure d’une porte gigantesque se dessinait. Les soldats étaient vêtus d’une armure de cuir légère et ne portaient qu’un cimeterre à la ceinture, ce qui étonna Zilk étant donné la puissance et la renommée de ce sanctuaire de connaissance.

Il rangea cette information dans un coin de son cerveau machiavélique et commença à embraser ses mains pour s’occuper du droit de passage lorsque Morgane l’arrêta d’un bras et se positionna devant lui, prête à négocier. Furieux sur l’instant, il choisit de voir comment elle s’en sortirait avant de décider s’il devait ou non se séparer de sa collaboratrice.

  • Bien le bonjour chers messieurs ! Clama Morgane avec conviction. Mon compagnon et moi souhaiterions pénétrer dans votre cité. À ces mots vous me demanderez pourquoi ? Et vous aurez raison ! Bien trop de canailles rôdent dans la nature ces temps-ci et il serait imprudent de laisser entrer quelques malotrus aux intentions plus que douteuses. Je vais donc de ce pas répondre à cette question que vous m’auriez posée. Nous sommes ici pour étudier et en apprendre plus sur le monde qui nous entoure. La botanique, l’alchimie, l’histoire et toutes ces disciplines passionnantes que nous aurions bien du mal à approfondir hors de ces murs.
  • Hmmm, fit l’officier d’un air songeur. Je veux bien vous croire ma jolie petite dame, mais votre compagnon, qu’est ce qu’il fait là ? Et l’animal là, personne lui aurait enseigné à piquer les bourses des honnêtes gens par hasard ? C’est monnaie courante par ici alors pas d’entourloupes !

Zilk, qui observait la scène d’un œil féroce et professionnel, se fendit soudain d’un sourire où transparaissait un profond bonheur. La cité n’avait pas volé sa réputation, grâce à ce brave garde, il venait d’avoir une illumination.

  • Oh non, c’est simplement mon assis… Euh mon mentor, se rattrapa-t-elle en voyant l’oeillade meurtrière que ce dernier dardait sur elle. Il m’apprend tout ce qu’il y a à savoir dans ce travail et c’est lui-même qui m’a guidée vers ce lieu de paix et de savoir. Quant à Bibine, c’est notre animal de compagnie, la seule chose qu’il me reste de ma défunte mère..

Elle joignit un regard larmoyant des plus crédibles à ses paroles et commença à hoqueter de chagrin. Le soldat eut un air compatissant en regardant le mammifère qui ouvrait de grands yeux attendrissants.

  • Eh bien j’imagine que l’on a rien à craindre, fit-il. Je vais vous laisser passer mais d’abord il me faut vos noms pour le registre.
  • Je me prénomme Nisette et voici Jaryl, affirma-t-elle en essuyant ses larmes. Pouvons-nous entrer ?

Le soldat s’écarta et leur fit signe d’avancer. Ils s’éloignèrent un peu afin de s’assurer que les gardes ne pouvaient plus les entendre, puis Zilk se tourna vers la jolie rousse avec un grand sourire.

  • Aah, enfin, les rues d’Hazefu nous sont libres d’accès et sans que toute la ville ne soit à nos trousses ! Et cela grâce à toi, Morgane, je te félicite. Je dois avouer que ta vie a bien failli toucher à son terme tout à l’heure, mais ma foi, tu m’as impressionné. Je suis fier de t’annoncer que tu es désormais mon associée et qu’à partir de maintenant, je respecterai ton existence. À présent si tu veux bien m’excuser quelques instants, j’ai des choses à apprendre à Bibine.

Le génie maléfique se pencha vers l’animal et lui susurra quelques mots à l’oreille. Il se releva alors que le raton-laveur s’éloignait en trottinant sur ses petites pattes. Morgane le suivit des yeux, intriguée par la quête que le nécromant venait visiblement de donner au raton-laveur. Sans un commentaire, Zilk tourna les talons et s’engagea dans une petite ruelle où pendait une unique pancarte indiquant « Le Poulet Flagrant ».

Il poussa la porte de la taverne et arriva au milieu d’une bagarre entre ivrognes. Morgane et lui traversèrent la pièce en direction du comptoir sans prêter la moindre attention à la mêlée qui faisait rage. Ils commandèrent sereinement une bière fraiche et un lait de chèvre et allèrent s’asseoir à une petite table dans un coin où ils espéraient ne pas être dérangés par l’échauffourée. Ils patientèrent tranquillement, appréciant l’ambiance relaxante de la bâtisse, puis le tenancier vint rapidement les servir.

  • Une bière pour monsieur et un lait de chèvre pour sa bien jolie dame, complimenta-t-il en posant les chopes devant ses clients. Il vous faudra autre chose ?

Morgane serrait les dents et se retenait de ne pas planter une dague dans la bedaine de l’aubergiste lorsque Zilk prit la parole.

  • Merci bien mon cher, répondit-il distraitement en lui passant quelques pièces.
  • Moi, ton épouse ! Comment ose-t-il ?! S’enflamma la rousse alors que le tavernier retournait à son comptoir. Et puis merde, c’est pas parce que je suis une femme que je bois du lait de chèvre !

Elle empoigna avec colère sa pinte et la but d’une traite, ce qui fit lever à Zilk un sourcil intrigué.

  • Quel est le problème Morgane ? S’enquit-il en sirotant son verre.
  • Le problème ?! Fulmina-t-elle. Nous nous sommes associés, pas mariés ! Et le jour où un homme posera la main sur moi sans la perdre dans la seconde n’est pas encore arrivé ! Et puis j’ai ma fierté de femme libre… Mais qu’est ce que tu fais ?!
  • Eh bien je pose la main sur toi, expliqua-t-il avec un grand sourire en lui touchant le nez du bout du doigt.
  • Non mais… enfin toi c’est pas pareil ! Soupira-t-elle. Et puis tu me pulvériserais si je tentais de t’attaquer.
  • Certes, confirma-t-il d’un ton rêveur en finissant son verre.

Zilk se levait quand un homme trempé vint s’écraser sur leur table suite à un coup de poing. L’ivrogne se redressa et se tourna vers le mage.

  • Eeeeeuh ! C’toi qu’m’a frappé com’ ça ? Viens t’battre s’t’es un homme !
  • Oouuuuais, fit un autre soiffard, viens t’battre ! Et pis on s’occupera d’ta femme ! Elle doit s’ennuyer avec toi ! S’esclaffa-t-il.

Son rire s’étouffa dans un gargouillis de bulles de sang qui lui remplirent la bouche, une dague au manche violet s’étant soudainement fichée dans sa gorge. Les rires s’arrêtèrent d’un seul coup et un grand silence s’installa dans la taverne. Morgane en profita pour se lever avec, dans la main, une lame similaire à celle qui avait abattu feu le badaud.

  • D’autres amateurs ?! S’écria-t-elle, hors d’elle. Quelqu’un veut-il encore parler de me prendre ma virginité ?
  • Beuh, articula l’homme qui avait atterri sur leur table. Comment qu’t’as pu pas te faire toucher avec ton joli p’tit minois ?
  • Comme ça, répliqua-t-elle aimablement en enfonçant son couteau dans les entrailles du malotrus.

Zilk observa le geste d’un œil appréciateur puis, peu désireux de perdre du temps à réduire en cendres tous les gardes de la ville, songea qu’il fallait s’en aller au plus vite.

  • Je pense que l’on ferait mieux de partir Morgane, conseilla-t-il.

Morgane balaya la salle du regard, tous s’étaient reculés au fond de l’auberge, s’étaient collés au mur et la regardaient avec peur.

  • Tu as raison, partenaire, marmonna-t-elle en tournant les talons.
  • Messieurs, fit Zilk avec un sourire amusé en se drapant majestueusement de sa cape.

La jeune rousse vint récupérer sa dague sur le cadavre dont la gorge était trouée puis les deux quittèrent l’endroit d’un air entendu.

  • Et pourquoi est-on venu dans cette taverne au fait ? demanda Morgane.
  • Parce que j’avais soif, indiqua-t-il avec nonchalance. Et puis il me fallait récolter certaines informations aussi, mais je crains que Le Poulet Flagrant n’ait pas été adapté.
  • Quelles informations ? Insista-t-elle.
  • La localisation du Majeur de l’Indomptance. Je sais qu’il se trouve dans un lieu de culte mais j’ignore encore lequel… Il va falloir enquêter nous-mêmes.
  • On peut toujours fouiller chaque temple et interroger tous les prêtres, proposa-t-elle. Ensuite on le vole.
  • Là d’accord, mais j’ai une meilleure idée quant à la procédure à suivre, trancha Zilk en voyant Bibine revenir.

L’animal se frotta aux jambes des deux compagnons puis se posa sur son petit derrière et fixa Zilk.

  • Elle veut nous dire quelque chose, déduit Morgane.
  • Oui, confirma le mage. Je lui ai lancé un sort, inoffensif pour les raton-laveurs, de détection de magie afin qu’elle cherche une piste vers le Majeur. Et si elle est revenue, c’est qu’elle a trouvé.

Il se tourna vers le mammifère puis il se baissa et sortit de sa poche un biscuit qu’il lui tendit en la grattouillant derrière l’oreille.

  • Bibine, tu as bien travaillé, affirma-t-il d’un ton solennel. Maintenant, guide nous vers le noble Majeur.
  • Skiiiiik, répondit-elle avec sagesse.

Puis le raton-laveur, agitant fièrement sa queue, les guida pendant une bonne dizaine de minutes à travers les ruelles et les passages. Ils la suivirent au pas de course et, lorsqu’ils s’arrêtèrent, ils se trouvaient devant un grand bâtiment entièrement peint de blanc. Sur la façade étaient gravées les inscriptions « Cathédrale de Sainte Nisette ».

  • Quoi ?! S’offusqua Zilk. Ton faux-nom, tu l’as emprunté à une sainte ?!
  • Eh bien oui, dans une ville remplie de gens pieux, ça me semblait être la meilleure idée, s’expliqua-t-elle. Est-ce que ça t’embêtes tant que ça que je profane un nom sacré ?
  • Oh non, mais vois-tu, je suis toujours mal à l’aise lorsqu’il s’agit de religion. Rien que l’idée de marcher aux côtés d’une personne croyante et la désintégration pourrait partir d’elle-même. La prochaine fois, je te serai gré de choisir quelque chose de plus neutre, pour ta propre sécurité. N’y vois rien de personnel.

La jeune femme aux cheveux de feu soupira puis opina avant de se diriger vers la porte d’entrée.

Il faisait frais à l’intérieur et le silence régnait. Le groupe entra et fit un rapide état des lieux. Une grande pièce centrale avec une issue, deux nefs et probablement l’entrée d’une crypte cachée derrière l’autel. Ils se séparèrent, Zilk alla vers la gauche, Morgane se dirigea à droite et Bibine choisit de couvrir le centre de la cathédrale.

Le mage noir était mal à l’aise, il n’avait jamais apprécié l’ambiance des temples. Ça ne l’empêcha de chercher partout pour trouver le fameux doigt sacré, mais il se doutait que l’objet qu’il convoitait ne se trouvait pas ici. Une telle relique aurait probablement été mise en valeur, mais là il ne voyait rien. Au bout de quelques minutes de recherche, il entendit Morgane l’appeler et se précipita dans sa direction, suivi de près par le raton-laveur.

  • Zilk ! J’ai trouvé quelque chose, l’apostropha-t-elle lorsqu’il se rapprocha. Je crois que ce n’est pas ce que l’on recherche, mais ça m’a l’air magique. Je me demande bien à quoi ça peut servir…

Elle lui tendit un anneau argenté sur lequel était incrusté une améthyste. Il le prit dans sa main et l’examina avec intérêt, mais la porte d’entrée claqua à cet instant précis et une dizaine de prêtres furieux apparurent.

  • Eh vous ! S’écrièrent-ils en tendant de concert un doigt accusateur vers les intrus. Reposez immédiatement la Bague de Vision Nocturne, voleurs !

Zilk prit le temps de fouiller ses poches pour en tirer un énorme cigare qu’il alluma sur l’un des cierges se trouvant devant lui, et ce sans quitter les arrivants des yeux.

  • Merci de nous avoir indiqué son pouvoir, désormais Morgane pourra me suivre dans le noir complet ! Bien, nous allons partir maintenant, affirma-t-il en soufflant sa fumée vers les religieux. Elle est moisie votre piaule.
  • Vous pensez que vous allez vous en tirer comme ça ? Il faudra tout d’abord défaire le puissant clergé de Zon-gulu ! Le défia ce qui semblait être le prêtre le plus puissant de l’assemblée.
  • Vous devriez arrêter, grimaça Morgane qui n’appréciait que peu les morts inutiles.
  • Jamais ! Par Zon-gulu ! Clama le religieux.

Une vague de flammes jaillit alors de la main de l’homme et embrasa l’air entre le mage et lui. Zilk soupira et, d’un geste ennuyé, il commanda au feu de se retourner contre les religieux, ne laissant que suie et désolation sur le seuil de la cathédrale. Bibine observa ce carnage d’un regard extatique puis, comme à son habitude, sauta avec joie au beau milieu des cendres.

  • Je les avais prévenus pourtant… grommela la voleuse.
  • Eh bien Morgane, c’est ça la religion. Ils pensent tout savoir, ce qui est assez insupportable… or ils ne savent rien, donc ils meurent. C’est la sélection naturelle, expliqua posément le pyromane.
  • .. Oui, ça paraît logique, conclut Morgane en enjambant la poussière des corps calcinés, avec l’anneau enfilé à l’index.

Zilk, pour faire bonne figure et parce que ça l’amusait, décida de mettre le feu au temple entier. Ils sortirent alors du bâtiment, fermement décidés à poursuivre leurs recherches jusqu’à trouver le seul et unique Majeur de l’Indomptance.

Tom & Alban

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